Grande Guerre et zone franche. Les reclassements de 1917
Résumé
Le XIX e siècle avait légué à la Haute-Savoie un ensemble de zones de franchise douanière, dont deux relevaient du droit international : la « petite zone sarde » de 1816, constituée d'une bande frontalière le long du lac Léman, et la zone de Saint-Gingolph, fondée en 1829. Quant à la « grande zone franche », la plus importante en superficie, elle avait été créée par le décret impérial du 12 juin 1860, suite au succès du « oui et zone » au référendum de l'annexion. Leur objectif était de préserver les liens commerciaux et économiques multiséculaires tissés entre le Chablais et le Faucigny d'une part, le Genevois de l'autre. Le canton de Genève y trouvait l'avantage essentiel d'assurer son ravitaillement alimentaire. Le dispositif des zones franches avait été complété par une convention commerciale franco-suisse conclue en 1881 : les « zoniens » (Haut-Savoyards habitant la zone) pouvaient importer en franchise les produits suisses, les produits en provenance d'autres pays et les produits français détaxés ; ils pouvaient exporter leurs produits sans acquitter les droits de douane français, mais devaient acquitter des taxes à leur entrée dans la Confédération helvétique. Dès avant la guerre, dans une séquence allant approximativement de 1903 1 à 1914, le système avait été soumis à des critiques, dont l'instigateur principal était Marius Ferrero, maire d'Annecy de 1904 à 1909 et ancien président de la Chambre de Commerce et d'Industrie d'Annecy. La classe politique hautsavoyarde dénonçait l'absence de réciprocité parfaite dans le système de franchises comme les difficultés à écouler les produits zoniens sur le marché français « intérieur », tandis que les Genevois, qui souhaitaient au contraire faciliter l'entrée des produits zoniens, se heurtaient aux réticences des autorités fédérales de la Confédération. Au sein de cette séquence chronologique, Yves Kinossian a souligné la charnière de 1911, date à laquelle fut mise en place une commission interministérielle chargée de travailler à la modification de la zone 2 .
Si la Première Guerre Mondiale ne fit donc pas naître le débat sur la zone franche, elle contribua à le rendre plus urgent. Les bibliographies disponibles en ligne, par exemple celle de la société savante La Salévienne, font apparaître plusieurs publications traitant de la zone franche avant la guerre, et surtout de nombreux ouvrages publiés à partir de 1919 3 , ce qui peut donner l'impression, fallacieuse, que le débat s'interrompit pendant le conflit. Lorsque la Grande Guerre est mentionnée dans les publications sur la zone franche, elle ne l'est que rapidement, et essentiellement pour ses conséquences sur le sort de la question dans les négociations de paix 4 . Or, même si les rappels chronologiques ci-dessus montrent que l'histoire
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